Statut juridique des terres collectives : quoi de neuf ?
Le vieux statut juridique des terres collectives est en cours de refonte. L’idée qui se dégage à travers l’analyse des dispositions des projets de textes élaborés par le gouvernement, est de faire sortir ce patrimoine de sa longue léthargie et ce, en ouvrant la porte à sa Melkisation.
Un siècle après son instauration par le Protectorat français, le régime juridique des terres collectives fait l’objet d’une refonte sur la base d’une nouvelle vision des pouvoirs publics visant à revaloriser ce patrimoine foncier. Trois projets de loi sont au niveau de la Chambre des représentants depuis le mois de mars 2019. Le principal texte porte sur la révision de la tutelle administrative exercée sur les collectivités «ethniques» et l’exploitation de leur patrimoine foncier. Ce projet est d’une grande importance dans la mesure où il constitue le texte de base régissant les terres collectives. Comment se présente le nouveau statut des terres collectives sous réserve de quelques légères modifications qui pourraient être introduites au niveau des deux Chambres du Parlement ?
Le projet de texte pose le principe général selon lequel les collectivités «ethniques » exploitent les biens leur appartenant selon leurs propres règles coutumières, mais dans le respect des lois et règlements en la matière. Donc, on retient que le droit positif l’emporte sur le droit coutumier. En outre, l’exploitation du patrimoine foncier collectif se fait sous la tutelle de l’Etat qui sera exercée par le biais du ministre de l’Intérieur, comme c’est le cas actuellement.
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Toujours dans le cadre de l’organisation de la tutelle de l’Etat, il sera procédé à la création de deux organes : le Conseil central de tutelle et le Conseil de tutelle provincial. Le premier est placé sous la présidence du ministre de l’Intérieur et comprend des représentants de l’Etat et des collectivités «ethniques». Sa principale mission est l’approbation des opérations d’achat, de vente, d’association et d’échange portant sur les terres collectives. Quant au second, il est présidé par le gouverneur et comprend les représentants de l’administration au niveau provincial. Parmi ses principales attributions, l’approbation de la liste des attributaires des lots collectifs et l’octroi de l’autorisation de construction d’un logement personnel par un membre de la collectivité sur un terrain collectif.
Les membres des collectivités «ethniques», hommes et femmes, bénéficient d’un droit de jouissance sur la base des lots qui leur sont attribués. Reste qu’ils sont tenus de les exploiter d’une manière personnelle et directe. Il en ressort donc que l’attributaire d’un lot collectif n’est pas autorisé à le donner en location à un tiers ou à un autre membre de la collectivité. De même, le droit de jouissance dont il dispose n’est ni prescriptible, ni saisissable.
Quant à la liste des collectivités « ethniques», elle est établie par les gouverneurs des provinces et préfectures. Chaque collectivité est représentée par des représentants choisis parmi ses membres. Et contrairement à la pratique antérieure, les représentants peuvent être des femmes, membres de la collectivité. Le mode de choix des représentants sera fixé par voie réglementaire.
Les biens des collectivités «ethniques» ne peuvent pas être acquis par la voie de la possession ou la prescription. En plus, ils sont insaisissables et ne peuvent être cédés que dans des cas bien précis. Par contre, ils peuvent faire l’objet de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Toutefois, le texte ouvre une grande porte à la Melkisation des terres agricoles appartenant aux collectivités «ethniques», situées à l’extérieur des périmètres irrigués et non couvertes par des documents d’urbanisation. Ainsi, il est prévu qu’elles peuvent faire l’objet de morcellement avec l’attribution des lots, à titre de propriété divise ou indivise, à un ou plusieurs collectivistes.
En outre, le projet de texte prévoit que les terres collectives peuvent être cédées, de gré à gré ou dans le cadre d’accords d’association et d’échange, au profit de l’Etat, des établissements publics, des collectivités territoriales et des collectivités « ethniques». Elles peuvent être également cédées ou échangées après appel à la concurrence, mais aussi de gré à gré, au profit d’opérateurs publics et privés. Il en ressort donc que le projet de texte ouvre la porte à la Melkisation des terres collectives non seulement au profit des collectivistes, mais aussi au profit de personnes publiques et privées.