Politique : Se dirige-t-on vers un remaniement ?
Tiraillements, postures politiciennes, communication dans l’impasse, le remaniement est-il une issue?
Les milieux généralement bien informés, selon la formule consacrée, bruissent de la même rumeur. Un remaniement important serait en préparation. C’est une solution politique probable parce que la situation est grave. Le gouvernement n’a plus aucune adhésion populaire. Comment en est-on arrivés là ?
Il y a d’abord ce qui relève du congénital. Cet exécutif est né après la période du blocage et l’éviction de Benkirane. La majorité constituée est trop hétéroclite et l’accord qui a abouti à sa constitution n’a aucun sens politique.
Mais, ensuite, il y a les erreurs de communication en cascade. La question de l’heure officielle, par exemple, ou la précipitation dans la déclaration, mais surtout dans la gestion des impacts. Les horaires pour le scolaire, l’administration ont été changés plusieurs fois dans un laps de temps très court, démontrant l’impréparation de la décision.
Ensuite, il y a eu le mélodrame des enseignants contractuels. Mélodrame qui a failli imposer une année blanche et dont nul ne sait comment on va récupérer les six mois de grève.
« Cette coalition n’a aucune homogénéité et affiche ses différences »
Les déclarations de Lahcen Daoudi sur le plafonnement des prix des hydrocarbures qu’il avoue être un subterfuge pour faire pression sur le secteur, démontrent à quel point l’exécutif manque d’imagination, de cohérence. Cela se répercute sur sa communication, brouillonne, inaudible. La règle étant que «ce qui se conçoit clairement s’énonce aisément».
Mais le pire, ce sont les relations entre les partis de la coalition majoritaires. La guerre entre le PJD et le RNI est un scandale. Quand Rachid Talbi Alami a accusé les islamistes de noyauter l’Etat, c’est gravissime. Quant à l’inverse, visant Aziz Akhannouch, le PJD réclame la séparation entre la politique et l’argent, c’est un coup bas. Mais, depuis deux ans, la campagne électorale bat son plein, alors que les élections sont encore très loin.
Nabil Benabdellah, dénonce, devant son parti, l’absence de toute réforme. On peut allonger la liste, cette coalition n’a aucune homogénéité et affiche ses différences.
Quand le PJD bloque le projet de l’éducation nationale, projet de loi présenté par le gouvernement, nous sommes dans le théâtre de l’absurde. Puisque c’est sa position, Saâdeddine El Otmani aurait pu le stopper au conseil de gouvernement, plutôt que de laisser ses parlementaires le faire sur ordre de Benkirane, alors qu’un consensus avait été trouvé.
Ce brouillard visqueux, alors qu’aucune réalisation ne vient le contrebalancer, nécessite une réponse politique. Cela aurait pu être une dissolution et des élections anticipées. Ce n’est pas le choix des décideurs.
Pour qu’un remaniement puisse répondre à la profondeur de la crise, il faut qu’il réponde à trois critères :
– Qu’il soit d’envergure et non pas cosmétique.
– Qu’il ne soit pas attaché aux équilibres partisans mais à l’efficacité attendue.
– Que les entrants soient, bien sûr, compétents, mais aussi connus pour leurs talents de communication et leur capacité à convaincre.
Si ces conditions ne sont pas réunies, l’effet sur l’opinion publique risque d’être marginal. L’adhésion à l’action gouvernementale a besoin d’un véritable effort de l’exécutif pour éviter la désillusion généralisée et la multiplication des conflits.