Quelle couverture en cas de faute de gestion des dirigeants d’entreprises ?
L’affaire de la SAMIR a mis à jour les fautes graves de gestion pouvant être commises par les dirigeants d’une entreprise mais a, du même coup, remis sur la table une problématique souvent ignorée, celle de la couverture par l’assurance du paiement d’éventuels dommages et intérêts causés à la société ou/et aux tiers et engageant la responsabilité personnelle du dirigeant dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. par Abdelfettah ALAMI
D’après plusieurs études, un dirigeant effectue en moyenne 200 à 400 tâches différentes par jour. Dans un tel contexte, même en étant de bonne foi, il est difficile de s’assurer que chaque décision prise soit parfaitement informée et éclairée.
La faute de gestion est donc un risque omniprésent couvrant l’intégralité de l’activité du dirigeant. La fonction de dirigeant, aussi valorisante qu’elle soit, implique de grandes responsabilités de plus en plus complexes. L’environnement juridique des entreprises et les rapports entre les différents acteurs se complexifient et multiplient les occasions de litige et de mise en cause des dirigeants d’entreprises. Un litige peut compromettre l’avenir de la société, mais aussi l’avenir personnel du dirigeant.
Votre patrimoine privé peut être engagé
Avons-nous connaissance qu’au moment où un dirigeant commet une faute dommageable, sa responsabilité personnelle est engagée, et que son patrimoine privé est mis en danger ? Pas si sûr, alors que le montant des dommages et intérêts, ainsi que les frais de justice, peuvent s’avérer très lourds. Cette négligence est d’autant plus incompréhensible que les dirigeants ne déboursent rien de leurs poches. L’assurance Responsabilité Civile des dirigeants est en effet souscrite par l’entreprise, la prime de cette assurance, est payée par celle-ci au bénéfice de ses dirigeants, et inscrite aux comptes des frais généraux permanents de l’entreprise et est donc fiscalement déductible; elle permet de protéger le patrimoine du gestionnaire lorsque sa responsabilité personnelle est engagée dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.
Qui peut mettre en cause les fautes de gestion ? Tout le monde : les actionnaires, les fournisseurs, les créanciers, les employés et/ou leurs syndicats, l’état et les administrations.
Ces quelques exemples réels de réclamations illustrent la nature des fautes couvertes par cette assurance :
1. Réclamation des actionnaires : des administrateurs ont induit en erreur les actionnaires minoritaires sur les causes et les conditions d’une opération de rachat d’actions dans le cadre d’une réduction de capital.
2. Réclamation de la Sté : Un dirigeant a été condamné pour avoir conclu sans autorisation du Conseil d’Administration un contrat de crédit, ce dernier portant sur une partie importante de la dette de la société. Ce contrat, non conforme à une gestion prudente, a donc créé un préjudice financier à la société.
3. Comblement de passif : Dans le cadre de procédures de redressement et/ou de liquidation judiciaire, les dirigeants peuvent être amenés à combler le passif de la société (et ainsi à assumer tout ou partie de l’insuffisance d’actif) sur leur propre patrimoine qui peut être mis en redressement ou en liquidation judiciaire personnelle lorsque leurs actes ont entrainé directement ou indirectement l’état de la société (ex: utilisation des biens de la société comme leurs propres biens, tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière,…).
Les fautes de gestion reprochées par le tribunal de commerce aux dirigeants de la SAMIR ne s’écartent pas de ces exemples pratiques. Ainsi, il a été reproché aux dirigeants de l’entreprise d’avoir distribué des bénéfices pour un montant de 594 millions de Dirhams entre 2007 et 2014, totalement versés grâce aux facilités bancaires, ce qui « porte préjudice au capital de la société, menace son existence et porte préjudice aux intérêts des créanciers ». Le Tribunal avait estimé aussi, que «la comptabilité de l’entreprise ne semble pas donner une image fidèle au sujet du passif enregistré dans les états de synthèse et en particulier, la situation des fonds propres».