Retraite : « La réforme n’apporte pas de solutions profondes aux déséquilibres »
Lors de son exposé sur les activités des juridictions financières devant les deux chambres du Parlement réunies en séance plénière, mardi 05 juillet 2017, Driss Jettou, premier président de la Cour des comptes, a souligné l’importance de la dernière réforme des retraites, entrée en vigueur en octobre 2016, notant qu’elle va permettre d’augmenter l’horizon de viabilité du régime des pensions civiles d’environ 6 ans, et de diminuer sa dette implicite d’environ 57% à l’horizon des 50 prochaines années, ce qui constitue un saut qualitatif pour ce régime. Cependant, l’analyse du contenu de la réforme, d’ailleurs limitée au régime des pensions civiles, montre que la réforme de 2016 n’apporte pas de solutions profondes aux déséquilibres structurels qui marquent le système de retraite au Maroc de manière générale, et le régime des pensions civiles de manière particulière, a-t-il précisés.
Le premier président de la Cour des comptes s’est ensuite arrêté sur les principales tendances de l’évolution des finances publiques en 2016 sur la base des données disponibles, rappelant que la loi de finances pour l’année 2016 est la première adoptée sous l’égide de la nouvelle loi organique relative à la loi de finances (LOLF) de 2015, et la dernière sous le mandat du gouvernement pour la période 2012-2016.
Selon les données émanant du ministère de l’Économie et des Finances sur l’exécution de la loi de finances, les recettes ordinaires se sont améliorées de 7,8 milliards de DH par rapport à l’année 2015, suite à la progression des recettes fiscales, notamment l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés (IS) ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la taxe intérieure de consommation (TIC), a fait savoir Driss Jettou, ajoutant que les recettes des droits de douane réalisées ont augmenté de 1,3 milliards de DH, soit une hausse de 17,6%.
Pour ce qui est des recettes au titre des dons extérieurs, elles ont augmenté de 4 milliards de DH et ont atteint 7,2 milliards de DH contre 3,2 milliards de DH en 2015, alors que les recettes de monopole ont diminué de 771 millions de DH, soit une baisse de 8,4%, a indiqué le premier président de la Cour des comptes.
Dans son évaluation du déficit budgétaire, Driss Jettou considère, pour sa part, qu’il est nécessaire de réviser la méthodologie adoptée par le gouvernement pour le calcul de cet indicateur et ce, en conformité avec le principe de sincérité, considéré comme l’une des importantes innovations introduites par la nouvelle loi organique relative à la loi de finances, selon le premier président de la Cour des comptes. À ce titre, il y a lieu de constater que le calcul du déficit selon l’approche adoptée ne prend pas en considération certaines données, telles que les dettes dues par l’Etat au profit des entreprises au titre du crédit TVA, les dettes générées par l’excédent des paiements au titre de l’IS, ainsi que les dettes nées des transactions commerciales réalisées mais non encore payées par l’Etat, poursuivi Driss Jettou.
Au sujet des comptes extérieurs relatifs à l’année 2016, la Cour des comptes note une aggravation du déficit du compte courant de la balance des paiements, qui est passé de 21,1 milliards de DH, soit un taux de 2,2% du PIB en 2015, à 44,5 milliards de DH, avec un taux de 4,4% du PIB, en 2016, selon Driss Jettou.
Par ailleurs, la Cour a relevé lors de l’examen de la structure de la loi des finances annuelle, que la gestion des Comptes Spéciaux du Trésor (CST) pâtit d’un certain nombre de dysfonctionnements, dont notamment, l’importance du nombre des CST, qui est de 74 actuellement, malgré la réduction et le regroupement de certains types de comptes en application de la nouvelle loi organique des finances de 2015 et la rationalisation de certains comptes à travers les dispositions des lois de finances ces dernières années, indique Driss Jettou, soulignant que certains CST dégagent de manière structurelle des soldes importants qui ont atteint à fin 2016, un solde cumulé reportable de plus de 122,7 milliards de DH.
Concernant la situation de la dette, force est de constater que l’encours de la dette du Trésor a continué son accroissement dans cette conjoncture financière en passant de 629 milliards DH à fin 2015 à 657 milliards DH à fin 2016, enregistrant un endettement supplémentaire de plus de 28 milliards DH, soit une augmentation de 4,5 %, précise la Cour des comptes, ajoutant que l’essentiel de cette augmentation a été souscrit au niveau du marché intérieur à concurrence de 26 milliards de DH.
En relation avec les politiques publiques dans le domaine de l’énergie, la Cour a procédé à l’évaluation de la politique d’efficacité énergétique adoptée par les autorités gouvernementales comme mécanisme efficient permettant l’économie des ressources énergétiques, afin d’assurer leur préservation et la rationalisation de leur consommation, a dit Driss Jettou.
Concernant le secteur du tourisme, et après avoir contrôlé l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) en 2013, la Cour a entrepris un contrôle de la gestion de la Société Marocaine de l’Ingénierie Touristique (SMIT) en 2015, puis le Département du tourisme en 2016, explique le premier président de la Cour des comptes.
Driss Jettou a par la suite souligné que 28 missions de contrôle ont été effectuées parmi celles programmées au titre de l’année 2015 dans le cadre du contrôle de la gestion et de l’emploi des fonds publics. Il a indiqué que la Cour, qui a rendu 399 arrêts en matière de vérification et de jugement des comptes et 25 arrêts en matière de discipline budgétaire et financière, a également saisi le ministre de la Justice de 8 affaires pour des faits de nature à justifier des sanctions pénales.
S’agissant des Cours régionales des comptes, elles ont effectué 58 missions de contrôle de la gestion couvrant tous les types de collectivités territoriales et de services publics locaux, ainsi que certaines sociétés de gestion déléguée, a ajouté Driss Jettou, notant qu’elles ont aussi rendu 1891 jugements définitifs en matière de jugement des comptes, et 25 avis au sujet de comptes administratifs non approuvés par les conseils délibératifs des collectivités territoriales concernées.