Entreprises & Marchés

SMIG : les patrons fâchés

La hausse de 5% du SMIG pour le privé est actée. La CGEM regrette le manque de concertation et l’absence de visibilité quant à la recherche de la compétitivité.

Jamal Belahrach, président de la Commission Emploi de la CGEM.

Abdelilah Benkirane a été élu sur la base d’un programme qui prévoyait un SMIG à 3000 DH. Une fois aux commandes, il s’est rendu compte que cela était impossible. Sous la pression des syndicats, il se rabat sur le privé. Il a promis aux syndicats qu’il réclamerait au privé une augmentation de 5% du SMIG le 1er mai.

Le patronat a un point de vue qui mérite d’être étudié. Jamal Belahrach, président de la Commission emploi de la CGEM, avance qu’une économie dont l’un des atouts est le coût de la main d’œuvre ne peut pas se permettre ce genre d’oukazes.

Le patronat rappelle qu’en trente ans, entre 1981 et 2011, le SMIG a connu 18 augmentations pour passer de 450 DH à 2330 DH, alors que l’inflation est maintenue dans des proportions largement inférieures, puisque la moyenne sur la même période est inférieure à 2%.

En fait, ce débat est biaisé. Le patronat moderne applique une grille de salaires où le SMIG est marginal. Mais la structure des coûts, des PME, des TPE est impactée par toute variation du SMIG. Celle-ci risque de renforcer l’informel plutôt que de protéger les salariés.

 

Dépasser les tabous

Là ou Jamal Belahrach a forcément raison, c’est quand il pose la question du SMIG national. Il affirme que « un benchmark mené par les pays de niveaux socio-économiques similaires à celui du Maroc fait ressortir que certains pays appliquent un salaire minimum national, alors que d’autres fixent des salaires minimum sectoriels ou régionaux !

L’idée a toujours été rejetée par les syndicats, au nom de l’unité de la classe ouvrière. Si on se calmait un seul instant et on décidait de voir les réalités en face, on pourrait se rendre compte que ce tabou est une hérésie.

Nous voulons tous que le développement soit intégré, qu’il concerne tout le territoire national et non pas l’unique façade atlantique. Or, pourquoi est-ce qu’un investisseur s’installerait à Midelt ou à Azilal, supporterait l’insuffisance des infrastructures, sans aucune compensation ? Le SMIG régional peut l’y inciter, s’il projette une activité où le coût de la main d’œuvre est important dans la structure de son business. Avec 1400 DH, on vit mieux à Azilal, qu’avec 3000 DH à Casablanca. Il faut être d’une très grande mauvaise foi pour affirmer le contraire. Le SMIG régional, en fonction du niveau de vie, est une arme pour la décentralisation, le maillage des investissements.

Jamal Belahrach n’est pas un coast-killer. Il reconnaît que le SMIG, s’il avait été indexé sur l’inflation depuis l’indépendance serait aujourd’hui plus conséquent. Mais il rappelle qu’il y a une question de compétitivité, dans une concurrence mondiale d’autant plus acharnée, que la crise est toujours là. Bien évidemment, aucun marocain ne veut bâtir un modèle qui ne tiendrait que grâce au coût bas de la main d’œuvre. Il nous faut développer une production à forte valeur ajoutée. C’est le but, l’objectif, mais en attendant, il faut gérer l’existant.

Le patronat est prêt à accepter la hausse de 5%, il réclame des mesures compensatoires. Malheureusement, le Chef de l’Exécutif n’accorde aucune vertu au dialogue social. Il a réussi à se mettre à dos le patronat, les syndicats et l’opinion publique, malgré le préjugé favorable au début de la législature. La question du SMIG régional mérite un vrai débat. « Challenge » tentera de l’animer dans ses prochaines éditions. n

J.B.

 
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