Un chantier en bonne voie
Un grand pas a été franchi dans un grand chantier de réforme. Le 20 janvier, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi relatif à la Loi Organique des Finances. Challenge a suivi depuis des mois l’avancement de ce projet et rappelle à ses lecteurs son importance et ses effets attendus sur la gestion des finances publiques en général, et sur la présentation et l’exécution de la Loi de Finances en particulier.
Ce sont nos finances publiques qui vont gagner en transparence et en crédibilité. La Loi Organique des Finances va nous permettre de mieux regarder le déroulement de nos dépenses et de nos recettes publiques. C’est un moyen efficace de suivi et non une finalité en soi. La Loi Organique qui vient de dépasser le cap des conseils des ministres et qui séjournera pendant quelques semaines ou quelques jours dans l’enceinte du pouvoir législatif, ne va pas assurer un lendemain sans mauvaise gestion ni une transformation radicale des méthodes, des cultures et des mentalités. Appliquer le droit est une énorme tâche qui dépend de la volonté politique de tous les acteurs de notre scène. Espérons que le décalage entre le droit et la pratique puisse se rétrécir par notre volonté collective.
Les parlementaires seront appelés à examiner la mise en place d’un outil qui va rendre le plus grand des services que peut espérer un représentant de la Nation. Cet outil juridico-institutionnel que tout le monde considère comme étant la petite constitution, a fait le tour des forums politiques et scientifiques. Le gouvernement a bien travaillé sa copie et sa méthode depuis l’ouverture de ce grand chantier de réforme. La démarche a été participative. Le projet de la Loi Organique des Finances a été présenté à l’ensemble des groupes parlementaires depuis des mois. Ceux-ci ont confié à leurs spécialistes l’examen des propositions gouvernementales et la proposition de solutions alternatives. Nous pouvons dire, sans risque de verser dans une lecture très optimiste de notre jeu politique, que l’opposition a fait preuve de responsabilité. Ses propositions de modification de la copie initiale ont été constructives. La nature de cette réforme est peut être un vecteur du compromis ou même «d’unanimité ». Personne ne peut dire non aux principes fondamentaux du projet de loi sur la réforme de la Loi Organique des Finances. La transparence, la clarté dans l’affectation des ressources, la reddition des comptes, la responsabilisation des gestionnaires, le contrôle et l’audit et l’introduction de la dimension géographique dans le suivi des crédits budgétaires sont des apports autour desquels les bonnes volontés peuvent se retrouver.
Ces atouts doivent être capitalisés lors du débat parlementaire qui demeure indispensable pour asseoir ce projet sur des bases solides et donner à la dimension régionale toute sa signification. Riches de leurs expériences sur le terrain de la gestion budgétaire, dans leurs régions et dans leurs communes, confrontés aux difficultés du déroulement des projets d’équipement et d’infrastructures et aux attentes des citoyens, les représentants de la Nation doivent donner au débat une dimension très importante. La Loi Organique des Finances deviendra l’école qui va permettre de faciliter l’accès à la lecture et à la préparation des futures Lois de Finances. Le débat parlementaire doit être l’occasion d’élargir les horizons de beaucoup de parlementaires qui se sentent écartés par la complexité des aspects techniques des Lois de Finances. C’est une occasion pour que les experts des différents partis fassent un peu de pédagogie au profit de leurs militants et de leurs collègues du groupe parlementaire auquel ils appartiennent.
Les apports du projet de réforme
Conscients de l’importance de ce grand projet de réforme, nous lui avons consacré un dossier que nous avons appelé «la petite constitution» (voir Challenge N°437 du 27 septembre 2013).
Pour rappel, nous avons jugé utile de rappeler les grands apports du projet aux gestions financières publiques qui se présentent comme suit :
– La présentation des budgets des établissements et des entreprises publics parallèlement à la présentation de la Loi des Finances avec les données budgétaires prévisionnelles. Il s’agit d’une avancée très importante. L’image des entreprises publiques et établissements opérant en dehors du contrôle parlementaire est politiquement nuisible à la démocratie. Le nombre de ces entités s’est hypertrophié et a créé un réel décalage entre les fonctionnaires publics. Les normes de contrôle de leurs activités sont différentes et parfois insaisissables. Tant qu’il s’agit de l’utilisation de l’argent public, les formes institutionnelles au sein desquelles il est géré doivent cesser de produire une multitude d’exceptions en matière de normes de rémunération et de contrôle.
– Les opérations du Trésor, les budgets des établissements gérés de manière autonomes et les comptes spéciaux de Trésor seront couverts par la LOF. Le manque de transparence des opérations sus-visées créent parfois des suspicions infondées. Introduire la clarté dans la gestion de ces opérations renforcerait l’adhésion des représentants de la Nation et réhausserait le débat parlementaire en matière des finances publiques ;
– La réforme attendue nécessitera la mise en place ou la modification d’un certain nombre de textes et s’étalera sur une période de cinq années durant lesquelles des commissions de suivi et de conduite de la réforme procéderont au renforcement des unités de gestion, de multiplier les efforts visant l’amélioration de la qualité de la gestion interne des départements ministériels ;
– Les autres points se rapportent à l’amélioration des nomenclatures budgétaires en y intégrant de nouvelles dimensions comme le programme, le projet et la région à coté du titre, du chapitre et de la ligne. Les départements ministériels seront appelés à justifier au maximum les dépenses liées aux différents projets et programmes relevant de leurs attributions. Le rapport sur l’approche genre continuera à être présenté parmi les rapports qui accompagnent le projet de Loi des Finances, mais sera amélioré pour mieux répondre aux exigences d’analyse et de qualité.
Le projet consacre beaucoup de ses dispositions au renforcement de la transparence des finances publiques. Cette volonté sera concrétisée à travers la modernisation du système de comptabilisation, la certification des comptes, la fiabilité de l’information comptable et par l’évaluation chiffrée des impacts financiers, économiques et sociaux des dispositions fiscales et douanières. D’autres aspects comptables et budgétaires vont connaitre des modifications substantielles. Nous allons y revenir dans les prochains articles que Challenge consacrera à ce grand dossier de réforme.