Une nouvelle obligation à la charge des banques
Dorénavant, les banques auront le devoir de respecter un nouveau principe, celui de la proportionnalité des garanties aux engagements du client. En d’autres termes, elles doivent veiller, sous peine d’engager leur responsabilité, à ce que les garanties retenues évoluent avec l’encours des crédits et soient en adéquation avec les engagements du client.
Le principe de proportionnalité des garanties est consacré pour la première fois, en droit bancaire marocain, grâce à la réforme des sûretés mobilières qui est en cours. C’est d’ailleurs l’un des apports de cette réforme comme l’ont bien souligné le ministre de la Justice et celui des Finances, lors de leur intervention devant la Commission des finances de la Chambre des Représentants. Même si le principe est énoncé dans le cadre d’un texte se rapportant aux seules garanties mobilières, il y a fort à parier que les clients des banques n’hésiteront pas à l’évoquer pour les autres types de garantie.
L’introduction de ce principe a pour but de permettre aux entreprises de disposer des éléments de leur patrimoine dont la rétention par la banque n’est pas justifiée. Mais il faut dire que la consécration de cette nouvelle règle n’est pas fortuite ; au contraire, elle est dictée par le souci de mettre fin au comportement des banques qui ont tendance parfois à garder toutes les garanties prises initialement jusqu’au remboursement intégral des crédits et ce, dans le souci de bien assurer le recouvrement de leurs créances. Or, le refus de délivrance de mainlevées sur des garanties « non justifiées » pourrait avoir des conséquences graves pour l’entreprise.
Selon le principe de proportionnalité prévu par le nouvel article 1201 du Dahir formant Code des Obligations et des Contrats (DOC), le créancier nanti (la banque) et le constituant du nantissement (généralement le client bénéficiaire du financement) peuvent se mettre d’accord pour la délivrance de mainlevées partielles ou totales et ce, en tenant compte des montants remboursés et du principe de proportionnalité entre la valeur de biens nantis et le montant remboursé . Et lorsque les biens nantis sont dissociés l’un de l’autre de façon que chaque partie d’entre eux, couvre une partie du crédit, le constituant du nantissement est en droit d’obtenir, chaque fois qu’il rembourse une partie du crédit, la mainlevée correspondant au montant remboursé.
Il en ressort qu’à la différence de certaines législations étrangères, la loi marocaine retient une définition restrictive du principe de proportionnalité des garanties, en ce sens qu’il ne s’applique pas à la phase initiale du crédit. En d’autres termes, les banques ne seront pas tenues de respecter ce principe lors de l’octroi du crédit. A ce stade, elles auront toujours la possibilité d’exiger les garanties qu’elles estiment nécessaires à la couverture de leur risque. Le principe de proportionnalité n’intervient donc que lors du cycle de vie du crédit qui peut être marqué par des remboursements partiels ou par une augmentation de la valeur des garanties. Dans ces deux cas, la règle de proportionnalité entre le montant restant dû par le débiteur et la valeur des garanties doit être respectée.
Certains diraient que l’introduction du principe de proportionnalité des garanties n’apporte rien de nouveau, dans la mesure où la délivrance des mainlevées partielles est bien ancrée dans la pratique bancaire marocaine. Certes cette pratique existe, mais ce qui change est que la mainlevée partielle devient un droit alors que sous l’ancien régime, la délivrance de la mainlevée était laissée à la discrétion de la banque, elle pouvait l’accorder comme elle pouvait la refuser. Avec le nouvel article 1201 du DOC, l’obtention d’une mainlevée partielle devient un droit pour le client et une obligation pour la banque. Cette dernière ne peut refuser la délivrance de la mainlevée que si les garanties sont d’une valeur inférieure au montant de l’encours du crédit.
Quid si la banque refuse de délivrer les mainlevées, alors qu’il y a une disproportion entre les garanties et les montants restants dus. Dans un tel cas, le constituant du nantissement a la possibilité de saisir la Justice, sachant que la responsabilité civile de la banque pourrait être engagée en cas de préjudice. En effet, le refus de délivrer des mainlevées est de nature, dans certains cas, à priver l’entreprise de recourir à des financements auprès d’autres créanciers faute de garanties, ou à disposer de ses biens pour les besoins de son activité. C’est pourquoi, les banques seront appelées à revoir leur politique en matière de gestion des garanties.