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Enfin, une réforme des assurances des accidents du travail !

Tant attendue par les travailleurs, quels que soient les secteurs d’activités où ils opèrent et la nature des contrats de travail qui les lient à leurs employeurs, la loi 18-12 relative à la réparation des accidents de travail entre en vigueur puisqu’elle a été publiée le 22 Janvier, au Bulletin officiel. Le renforcement du régime d’indemnisation des victimes et leurs ayants droit, ainsi que la fluidité d’administration et la rapidité de la procédure de réparation constituent les éléments clés de cette réforme. Toutefois, les enjeux du nouveau dispositif sont de taille aussi bien pour les employeurs que pour les assureurs. par A. ALAMI

Face à des risques étendus et une législation obsolète, la réforme était incontournable

L’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles avait fait l’objet, depuis plusieurs années de plusieurs critiques d’où la nécessité d’une réforme urgente et profonde des mécanismes de réparation des préjudices subis et d’une plus grande équité dans la prise en charge des victimes et de leurs ayants droit. Au-delà des mécanismes d’indemnisation, c’est tout le dispositif de gestion de cette protection sociale des salariés qui est remis en question, car devenu obsolète non seulement par rapport aux pratiques internationales en la matière, mais aussi en référence aux évolutions positives découlant des nouveaux principes constitutionnels de défense des droits de l’homme, de protection de la vie des citoyens et d’une exigence accrue de sécurité en matière d’intégrité des personnes et de dommages corporels.
Les débats engagés au parlement, avec ses deux Chambres, à l’occasion de l’examen de la loi 18-12, au stade du projet, ont démontré qu’il existe dans notre pays une réelle volonté politique de légiférer sur le sujet. Les questions qui se posaient, attiraient l’attention des parties concernées et justifiaient la réforme, à côté des principes fondamentaux énoncés ci-dessus, sont multiples : la nécessité d’une codification et d’harmonisation de textes éparses régissant le régime de la réparation des accidents de travail et maladies professionnelles, leur adaptation aux dispositions du code des assurances, du code du travail, du code de la famille et particulièrement au code de la procédure civile ; il s’agit aussi du souci de mettre en place un dispositif efficient et efficace permettant une indemnisation des victimes et ayants droit dans des conditions justes et dans des délais raisonnables, de limiter les éventuels contentieux et une trop judiciarisation des procédures de dédommagement ; enfin, la prise en compte des règles en vigueur dans le domaine de la couverture d’assurances des maladies professionnelles, vu qu’aujourd’hui, l’augmentation des maladies professionnelles atteste aussi bien d’une meilleure connaissance des pathologies associées à l’activité professionnelle que d’une dégradation des conditions de travail.

Des innovations majeures, mais … une voie de règlement plus rapide et plus juste

Les critiques adressées au mode d’indemnisation actuel résultent davantage du caractère onéreux et d’une grande lenteur de la procédure, mais aussi d’une insuffisance des niveaux de dédommagement en vigueur au sein de la branche accidents du travail. La loi 18-12 est venue justement mettre fin à certaines de ces insuffisances et la réparation devrait respecter au moins trois règles : la mise en place de mécanismes visant à limiter les voies contentieuses, l’élargissement de la réparation des préjudices personnels aux ayants droit des victimes et l’indemnisation selon un barème.
Dans cet esprit, la loi a introduit, à l’instar de la procédure en vigueur en matière d’indemnisation des accidentés de la circulation, un dispositif obligatoire de conciliation, avant toute action judiciaire, entre l’entreprise d’assurance et la victime (Art.132). L’accord transactionnel, une fois signé entre les parties est réputé être définitif et n’est susceptible d’aucun recours tant que les montants des réparations qui y figurent sont conformes aux dispositions de la loi précitée. Pour mieux cadrer ce système, et au risque de sanctions prévues par ce texte, l’entreprise d’assurance est tenue par des délais stricts, 30 jours, pour présenter à la victime, une fois l’accord notifié, les offres d’indemnisation et les remboursements correspondants( Art ; 134 et 137). Cette nouvelle procédure aurait pour intérêt de mettre d’accord toutes les parties. Elle permettrait d’éviter, de fait, une trop forte judiciarisation souvent inutile surtout lorsqu’on sait que plus de 80% des accidents du travail débouchent sur des taux d’incapacité ne dépassant pas les 10%, et de proposer aux victimes une réparation plus raisonnable et acceptable des préjudices subis. L’autre nouveauté de cette loi concerne l’institution d’une obligation d’assurance en accidents du travail pour les « employeurs assujettis au régime de la sécurité sociale». Ces garanties doivent obligatoirement être souscrites, également, au profit des travailleurs occasionnels, contractuels et journaliers des collectivités locales et établissements publics. En fait, comme l’avait signalé, à juste titre, le Conseil Economique, Social et Environnemental – CESE- dans son avis du 29 Août 2013 sur le projet de réparation des accidents du travail, suite à une saisine de la Chambre des représentants, cette limitation de l’obligation d’assurance aux entreprises soumises à la CNSS parait incongrue et créerait une injustice vis-à-vis des employés, très nombreux, non inscrits à cette Caisse, ce qui les exclut d’office du bénéfice de cette protection sociale. Toutefois, la loi précitée, dans son article 42, comble ce vide en obligeant les employeurs non assurés de verser le capital constitutif de rente à la Caisse Nationale de Retraite et d’Assurance dans les 60 jours suivant la date de l’accord de conciliation ou du prononcé du jugement par le tribunal compétent.
Enfin, d’autres améliorations notables toucheront le régime d’indemnisation des ayants droit des victimes décédées. La nouvelle loi a supprimé la condition de la limite d’âge, s’agissant de l’épouse ou de l’époux de la victime décédée, pour bénéficier de la rente et en relevant, en plus, celle-ci de 30 à 40%. De même, quand les ascendants sont morts suite à un accident du travail, leurs orphelins handicapés bénéficieront d’une rente à vie. La rente sera également maintenue jusqu’à l’âge de 18 ans pour les orphelins en bonne santé qui suivent une formation professionnelle et 21 ans pour ceux qui sont étudiants.

La couverture des maladies professionnelles, une omission regrettable !

Si, incontestablement, le nouveau dispositif instauré par la loi 18-12 est une pierre de plus dans l’édifice visant à renforcer la protection sociale des victimes des accidents du travail et leurs ayants droit, en améliorant certains niveaux de prestations servies et en allégeant la procédure d’indemnisation pour les dommages subis, le principe d’une réparation intégrale touchant aussi la prise en charge, dans le nouveau dispositif législatif des maladies professionnelles, semble avoir été perdue de vue et limite les engagements pris par le gouvernement d’ « une réforme d’ensemble de la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles ». Dans tout le texte de loi, seul un seul paragraphe laconique ( Art.11), énonce que « les dispositions de la présente loi sont applicables aux salariés et employés victimes de maladies professionnelles conformément aux textes législatifs et réglementaires relatifs aux maladies professionnelles ».
Face à cette lacune, le CESE, dans son avis précité n’a pas manqué de porter une critique sévère à cette prise de position consistant à se référer, pour la couverture de ce risque à l’ancien régime datant de 1943, sans que le législateur se soit penché sur son adaptation aux évolutions pathologiques récentes de ce genre de risque et plus grave, de ne mentionner aucune obligation d’assurance vis-à-vis des employeurs. Ceci, en cas de sinistre, nous mettrait devant des situations inextricables où la charge de l’indemnisation serait supportée par ces derniers, sachant que le coût pourrait être extrêmement élevé particulièrement dans des secteurs comme les mines ou l’industrie chimique. Le dossier est toutefois complexe et demande une expertise approfondie sur les conséquences juridiques, structurelles et financières d’une évolution vers une réparation intégrale des accidents du travail et maladies professionnelles.

Le compte à rebours pour les assureurs commence

La réforme engagée témoigne d’une véritable volonté politique de légiférer sur le sujet. Mais il faut s’attendre à ce que le nouveau dispositif de dédommagement nourrisse de nombreuses inquiétudes chez les professionnels de l’assurance, d’autant qu’ils doivent faire face à un élargissement des niveaux d’indemnisation des accidentés du travail et depuis quelques années, à une augmentation sensible des sinistres. Les enjeux sont donc de taille. Pour les assureurs tout d’abord, puisqu’ils doivent adapter leurs garanties par rapport aux nouvelles dispositions de la loi 18-12 avec de nouveaux tarifs correspondants. Pour les employeurs ensuite, ces derniers pouvant difficilement faire l’économie d’une telle couverture.

 
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