Exportation

Export : des parts à prendre pour le Maroc dans les relocalisations d’importations en France

Le Maroc a des opportunités à saisir malgré cette crise, si des efforts concertés sont déployés pour réajuster sa place dans la chaîne de valeur mondiale. C’est en substance, le message distillé par les intervenants au « Tanger Med Talks » de ce jour consacré aux « défis et opportunités pour les exportateurs marocains » dans les nouvelles orientations des chaînes de valeur. Le Maroc pourrait, dans ce cadre, capter une partie des efforts de relocalisation de certaines importations françaises en France.

La rencontre co-organisée par Tanger Med Special Agency et l’ASMEX a été l’occasion pour les acteurs de l’export d’exposer leurs différentes vues sur les opportunités à saisir pour le Maroc, dans le sillage de la reconfiguration internationale de la chaîne de valeur. Et le constat est unanime : le Maroc a une carte à jouer, à condition de ne pas rater le train. Le pays doit donc se préparer pour se positionner dans ces changements.

Tanger Med : l’atout majeur dans le repositionnement du Maroc

À Tanger Med, port qui a donné une nouvelle dimension au positionnement marocain dans la chaîne logistique internationale et un meilleur circuit aux entreprises exportatrices, les efforts ont porté leurs fruits. « Le port enregistre plus de 50% des exportations en valeur marocaines, soit plus de 144 milliards de dirhams. Et sa filiale TMZ abrite près de 1000 entreprises exportatrices de toutes tailles qui génèrent plus de 8 milliards d’euros d’exportations annuelles », a partagé Hassan Abkari, directeur général adjoint de TMSA. Le dirigeant du port a d’ailleurs partagé une expérience importante de l’infrastructure dans la gestion de cette crise du coronavirus. « Tanger Med en collaboration avec les services sanitaires du port, ceux de la DGSN et des Douanes, malgré le fait qu’ils soient en première ligne pour accompagner le trafic et donc exposés, ont construit un modèle de suivi sanitaire des chauffeurs. Celui-ci a permis d’avoir zéro contamination au Covid-19 de la population de transport international routier depuis le 10 avril. Une réussite qui permet la survie de nos entreprises exportatrices qui utilisent cette modalité et le maintien des importations de matières premières », a déclaré Abkari.

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Le port de Tanger Med s’est également lancé dans un projet ambitieux de digitalisation afin de soulager les entreprises des formalités administratives. « La composante digitale est très importante et joue un rôle fédérateur aujourd’hui. Elle est mise en place et requiert beaucoup d’investissements consentis ou programmés par Tanger Med », a affirmé Hassan Abkari. Pour sûr, la supply chain opère aujourd’hui comme un pont et un amortisseur de la crise et doit permettre aux entreprises une certaine flexibilité et capacité d’adaptation face aux mutations dans le monde. Des capacités qui pourraient permettre au Maroc de capter les efforts de relocalisations françaises de certaines importations.

Profiter des relocalisations françaises

C’est en substance le pari que devrait se lancer le Maroc selon Jonathan Le Henry, directeur Strategy & PWC, suivant l’étude réalisée par PWC sur les importations que la France pourrait relocaliser en France. En effet, l’étude réalisée avec des industriels français table sur la possibilité pour la France de relocaliser sur son territoire 70% de ses importations, l’équivalent de 380 milliards d’euros. « 58 catégories d’activités à travers les 4 catégories que nous avons étudiées -santé & pharmacie, agroalimentaire, électronique, industries de process et d’assemblage- représentent 115 milliards d’euros d’importations. On estime que relocaliser ne serait-ce que 20% de ce potentiel en France, devrait permettre de créer 75.000 emplois directs et plus de 200.000 emplois indirects. Et étant donné que la France ne pourra pas accueillir toute ces infrastructures de production, une partie de cette relocalisation pourrait être placée au Maroc », avance Le Henry. Pour celui-ci, cette période de mutation est une occasion et une opportunité pour le Maroc de penser la reconfiguration des chaînes de valeur nationale et internationale pour un développement économique de différentes régions du pays. De fait, on devrait travailler collectivement au Maroc à mettre en avant les atouts du pays. La capacité d’adaptation et de mutation qu’a montrée l’industrie marocaine dès le début de la crise, a contribué à renforcer le capital image du Maroc. Ce qui pourrait le placer en bonne position pour capter des parts de marché à l’international. « Les 4 secteurs d’activités étudiés représentent environ 60% de la base industrielle du Maroc ; ce qui veut dire que cette base industrielle est alignée avec le potentiel relocalisable de la France. De plus, 50% des exportations marocaines en valeur reposent sur une base industrielle déjà existante. C’est un point de départ optimiste parce que le pays n’a pas besoin, contrairement à d’autres pays qui viennent de commencer, de se lancer dans la mise en place de ces industries », a rappelé Jonathan Le Henry. Pour capter tout ce potentiel, tout un effort de compétitivité est engagé et à renforcer pour l’industrie marocaine.

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« Si cet effort est fait, il va bénéficier en local mais va également permettre au pays de s’en sortir avec une meilleure compétitivité et un meilleur positionnement sur les marchés internationaux. La capacité du Maroc à maintenir ses parts de marché viendra de sa capacité à améliorer sa compétitivité dans un contexte concurrentiel », a précisé Le Henry. Enfin, la nouvelle donne d’une industrie verte, « climate compatible », va s’imposer au Maroc, notamment avec les discussions en cours en Europe, son premier partenaire commercial. « La demande sera de plus en plus importante d’avoir des entreprises avec une empreinte carbone réduite. Cela va constituer un des critères pour continuer à exporter dans l’Union. Pour y arriver, le Maroc devrait enclencher une initiative dynamique, rapide et concertée entre tous les acteurs privés et publics pour relever le défi de la reconstitution de la chaine de valeur », a-t-il insisté. Les grandes entreprises ont un rôle stratégique à jouer, un rôle de portage des PME. Ces dernières sont des acteurs à mettre au centre de la démarche. « Et le fait d’avoir des ministres qui adoptent un mindset de chef d’entreprise permettra de travailler ensemble pour sécuriser les débouchés et accélérer la logique de PPP », a conclu Le Henry.

Un panel relevé

Cette édition des « Tanger Med Talks » a réuni un panel de personnalités, toutes au service du développement de l’attractivité extérieure et des exportations du Maroc.
Hassan Sentissi, Président de l’ASMEX et invité d’honneur de cette conférence, a ouvert la rencontre avec une allocution en mettant l’accent sur la nécessité pour les acteurs de l’export marocain d’intégrer les systèmes d’information pour harmoniser et mutualiser tous les moyens mis à disposition par les partenaires en faveur du commerce extérieur marocain.
Hassan Abkari, Directeur général adjoint de TMSA a, quant à lui, axé son intervention sur l’accompagnement et l’atout qu’est le Port de Tanger Med dans les efforts marocains d’exportations. Il a rappelé que ce port a placé le Maroc dans une position intéressante pour jouer un rôle important dans la région et en Afrique.
Jonathan Le Henry, Directeur Strategy & PWC et keynote speaker, a délivré un message sur le potentiel que le Maroc pourrait capter dans l’ambition française de relocaliser sur son sol certaines importations. La proximité et l’existence d’une base industrielle donne une carte à jouer au Maroc.
Abdelouahed Rahal, Directeur général du Commerce au Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’économie Verte et Numérique, a mis l’accent sur l’importance du support et de la valorisation de l’export national, les programmes et dispositifs mis en place par le ministère, les mesures d’accompagnement et les nouvelles opportunités à saisir.
Ahmed Bennis, Directeur général groupe de Tanger Med, est revenu sur l’importance d’une ingénieuse logistique intelligente et optimisée pour soutenir la compétitivité, les solutions sur mesure mises en place pour l’accompagnement des exportateurs marocains.
Layla Sentissi, Directrice exécutive de l’Association Marocaine des Industries Pharmaceutiques, a abordé la crise et les nouvelles opportunités qu’elle ouvre à l’industrie pharmaceutique marocaine. Elle n’a pas manqué de souligner la résilience et la contribution importante du secteur durant cette crise, appelant également à l’opérationnalisation de la préférence nationale.
Mootamid Abbad Andaloussi, Directeur général de Futur Trans Atlantic et Président de l’URTL, a insisté sur l’agilité du comité logistique qui s’adapte aux besoins actuels et futurs des exportateurs. Il a aussi rappelé la prise de conscience de l’empreinte carbone et la nécessité de se doter d’équipements éco-friendly pour pouvoir se conformer aux exigences réglementaires des marchés.
Abdelaziz Mantrach, Vice-président de l’ASMEX et Président de APRAM, a entretenu sur le rôle de l’ASMEX qui consiste à résoudre tous les problèmes qui s’opposent à la fluidité de l’export où qu’ils se posent sur le territoire. L’organisation a également pour mission d’accompagner, soutenir et encadrer l’exportateur marocain et travaille profondément pour diversifier l’offre exportable, la régionaliser pour que les exportateurs puissent exporter davantage.
Enfin, Amine Laghidi, Expert international, DG d’Africa Lion et modérateur de la conférence, a rappelé les nouvelles tendances internationales en matière de logistique et de value chain, ainsi que leur incidence potentielle sur l’export marocain.

 
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