Procédure de clémence

L’arme redoutable du Conseil de la concurrence

Le Conseil de la concurrence mettra-t-il à profit la «procédure de clémence» que la loi met à sa disposition pour dénicher et sanctionner les ententes entre les entreprises. Pour que ces dernières soient encouragées à dénoncer les ententes auxquelles elles participent, il est indispensable que l’autorité de la concurrence éclaircisse sa position à ce sujet. Un signal de sa part pourrait faire de la procédure de clémence un outil efficace de lutte contre les ententes illicites.  

L’entente est la pratique anticoncurrentielle la plus courante. Ses conséquences sont désastreuses tant pour l’économie que pour le consommateur. C’est la raison pour laquelle elle est placée au cœur du dispositif de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Dans la loi marocaine, elle est sévèrement sanctionnée car l’amende peut atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial, ou national lorsque l’entreprise n’a pas une activité à l’international. Et en cas de récidive, son montant est porté au double.

Lire aussi https://www.challenge.ma/conseil-de-la-concurrence-driss-guerraoui-entre-en-scene-102507/

Etant généralement organisées dans le plus grand secret, les ententes ne sont pas faciles à détecter et les autorités de la concurrence trouvent souvent d’énormes difficultés à réunir les preuves. Pour contourner ces obstacles, de nombreux pays ont introduit dans leur législation, un mécanisme dit « procédure de clémence ». En quoi consiste-elle ?

La procédure de clémence permet d’accorder un traitement avantageux aux entreprises qui coopèrent avec l’autorité de la concurrence afin de mettre à jour les ententes anticoncurrentielles.

Selon, la loi marocaine qui s’inspire du droit européen, une entreprise qui participe à une entente avec ses concurrents, peut échapper à la sanction en dénonçant cette infraction au Conseil de la concurrence et en lui fournissant des éléments de preuve.

Dénoncer pour être exonéré

En agissant de la sorte, l’entreprise défend ses propres intérêts car le fait de ne pas agir l’expose au risque de se faire rattraper soit dans le cadre d’une enquête du Conseil, ou suite à l’action d’une entreprise concurrente ou d’un ancien salarié qui viendrait dénoncer l’infraction à l’autorité de la concurrence.

Il est intéressant de souligner que c’est la première entreprise qui dénonce l’entente qui a de fortes chances de bénéficier de l’exonération totale de la sanction pécuniaire, d’où l’intérêt d’agir vite. Les autres entreprises parties à l’entente qui se manifestent après, ne peuvent prétendre qu’à une exonération partielle de l’amende.

Reste que l’exonération n’est pas automatique. L’entreprise dénonciatrice ne peut en bénéficier que si elle « contribue à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont le Conseil de la concurrence ne disposait pas antérieurement ».

Et selon la jurisprudence de la Cour de Justice européenne, un élément de preuve fourni par une entreprise dans le cadre de sa demande de clémence ne peut être retenu que s’il présente objectivement une « valeur ajoutée significative » par rapport aux éléments déjà en possession de l’autorité de la concurrence.

Dans beaucoup de pays, les entreprises disposent parfois de «programmes de conformité» qui comportent des mécanismes d’alerte permettant aux dirigeants d’être informés au plus vite des infractions au droit de la concurrence. D’où l’intérêt de la mise en place au sein des entreprises des entités en charge de la conformité au droit de la concurrence.

La procédure de clémence connaît un succès incontestable aux Etats-Unis et en Europe, en permettant de détecter et de mettre fin à de nombreuses ententes anticoncurrentielles (voir encadré). Devant l’insuffisance de ses moyens pour mener les enquêtes, le Conseil de la concurrence a tout intérêt à encourager les entreprises à recourir à cette procédure.

Dans une première étape, il est important de vulgariser la procédure à travers la communication et de mettre en place une procédure pour l’introduction des demandes de clémence, à l’instar de ce qui se fait dans les pays qui ont une longue expérience dans le domaine de la concurrence… 

 
Article précédent

Il fait l'actu : Said Mouline, directeur général de l'AMEE

Article suivant

Vidéo. Renault : Jean-Dominique Senard succède à Ghosn