Interview

Saloua Karkri Belkeziz : « Nous voulons offrir plus de visibilité à nos startups »

Le secteur de l’offshoring vient de dresser le bilan de ses contrats de performance 2016-2020. La Présidente de l’APEBI, Saloua Karkri, fait un tour d’horizon de l’évolution de ce secteur au cours de ces trois dernières années.   

Challenge : A un peu plus d’une année de l’échéance du PAI, la filière Offshoring est-elle bien partie pour atteindre ses objectifs I?

Saloua Karkri Belkeziz : Nous constatons qu’à mi-chemin de l’échéance annoncée dans les contrats performance 2016-2020, le secteur de l’offshoring réussit tant bien que mal à faire la différence. Il faut rappeler que bien que les mesures incitatives concédées par l’Etat aient tardé à être débloquées, les chiffres sont conformes aux attentes. Le plafond difficile des 10 milliards de DH de CA additionnel à l’export a été atteint. Plus que 8 milliards à engranger! Côté emplois :
69.900 emplois directs créés depuis 2014 et le vivier est encore riche : Il reste encore des milliers de compétences à recruter et à motiver pour atteindre les objectifs ambitieux tracés et même les dépasser. En termes d’investissements, le bilan est aussi au vert avec près d’1 milliard de DH (à seulement 500 millions de l’objectif assigné à 2020). Afin de pouvoir gérer cette montée en puissance de l’activité, une structure d’animation a été mise en place, par l’APEBI et l’AMRC (en concertation avec l’ADD) et dont la mission est de piloter le plan d’action arrêté et les mesures qui y sont rattachées. Cette stratégie s’articulera notamment autour de l’accompagnement des investisseurs, la certification, le développement et le progrès des écosystèmes, de l’image de marque, la formation, la veille et les études. La réflexion sur la prochaine stratégie devra mettre en pole-position la formation et l’employabilité qui sont les nombreux défis de ce secteur.

L’Agence du Développement Digital a été lancée il y a quelques mois. Les professionnels de l’APEBI ressentent-ils les premiers signes de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de l’État en matière de développement du digital ?

Absolument ! Après une longue attente, nous avons été rassurés de la nomination d’un directeur général issu du secteur IT et qui a fait preuve d’écoute et de réactivité dès sa prise de fonction. Ainsi, le Bureau de l’APEBI a été accueilli par Drissi Melyani et ses équipes pour passer en revue les actions stratégiques du secteur et pour arrimer la feuille de route de l’ADD (qui comporte 15 chantiers structurants) à la stratégie tracée pour le secteur IT marocain de l’APEBI. Nous avons aussi été honorés que la 1ère sortie médiatique de Drissi Melyani se soit faite lors de l’ouverture de l’événement organisé par l’APEBI et l’AMRC le 23 Avril pour dresser l’état des lieux du secteur de l’offshoring. Une implication ressentie aussi lors des 1ères Assises des startups que nous avons organisées le 26 avril. Notons également l’implication de l’APEBI dans le choix des 15 startups qui ont participé brillamment au Vivatech Paris, en présentant leurs projets innovants.

L’autre actualité de l’APEBI concerne également la fuite des cerveaux dont votre secteur est l’un des plus affectés. Que fait l’Apebi pour stopper cette hémorragie ?

Sujet délicat qui a suscité beaucoup de passions et fait couler beaucoup d’encre. L’inquiétude des employeurs du secteur a alerté au plus haut niveau, mais la solution est à construire, voire coconstruire car il n’y a pas d’action radicale pour résoudre cette situation. Tout dépend de la volonté des instances dirigeantes de notre pays pour agir sur les indicateurs importants comme l’adéquation du pouvoir d’achat avec le niveau de vie, le droit à un enseignement et une santé de qualité pour tous… qui font pencher inévitablement la balance vers des pays où il fait bon vivre. Au niveau de notre secteur, la création de valeur est un de nos moteurs pour la rétention des talents et pour la survie même de nos métiers. A notre niveau nous avons récemment lancé, en partenariat avec l’ANAPEC un nouveau programme de formation : les Certificats de qualification professionnelle. Les CQP arrivent pour faire face au déficit d’informaticiens et de développeurs et visent à la formation certifiante de titulaires d’un bac+3 scientifique. Les candidats suivront une formation de 9 mois par alternance pour devenir développeurs en nouvelles technologies numériques, l’objectif étant l’optimisation de l’employabilité des jeunes marocains. Nous avons également fait reconnaître notre métier comme celui à haute tension, ce qui facilite les procédures administratives pour que nos membres puissent recruter des compétences étrangères.

Le French Tech Visa, un dispositif visant à attirer des talents numériques en France, suscite beaucoup d’engouement auprès des jeunes marocains de votre filière. N’est-il pas temps de mettre en place une stratégie similaire au Maroc ?

A travers l’APEBI, le secteur privé s’est positionné en réelle force de proposition pour maintenir le vivier de ressources et continuer à créer de la valeur. Le potentiel de la diaspora marocaine à l’étranger étant réel n’est plus à démontrer, il s’agit maintenant de s’assurer que ceux qui contribuent à la compétitivité du Maroc à l’étranger, puissent le faire pour leur pays natal. En d’autres termes, cela signifie d’étudier la possibilité de mettre en place des campagnes spécifiques de retour au pays d’origine, articulées autour de grands projets technologiques, de mobiliser des ressources humaines ciblées pour les projets retenus et de créer des conditions favorables visant à attirer les professionnels qui à l’étranger, œuvrent au développement de l’innovation au Maroc. Nous avons Maroc Digital 2020, l’ADD, les Hommes (et les femmes) et une foison de projets…il est temps d’en profiter !

L’APEBI veut placer les startups au cœur de sa stratégie. Comment définissez-vous une start-up ? Quelle est votre stratégie pour les accompagner ?

Une startup se définit comme une entreprise innovante, avec un potentiel de croissance important – “Scalable”, opérant depuis moins de 5 ans à partir du 1er chiffre d’affaires lié au produit développé, employant moins de 100 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de – 100 millions de dirhams et dont 50% du capital est détenu soit par des personnes physiques, des fonds d’investissements ou des startups étrangères .

La création de ce pôle était un tournant marquant pour l’APEBI qui se devait de fédérer les startups Tech Marocaines pour être à l’image de l’écosystème qu’elle représente. L’un des objectifs premiers de ce mandat est de constituer un vivier de 50 startups. Un défi relevé à 50% à mi-mandat. Le plan d’actions vise à défendre le Startup Act, continuer à fédérer, augmenter leur visibilité à travers l’organisation ou la participation à des événements de mise en relation entre startups et corporates, mais aussi accélérer leur go to market (accès au marché). Nous voulons offrir plus de visibilité à nos startups aussi bien sur le marché local qu’à l’export.

Un 1er quick-Win a d’ores et déjà été activé avec l’Office des Changes et l’ADD avec une carte technologique permettant aux startups de bénéficier d’une dotation annuelle de 500.000 DH pour le paiement des services technologiques à l’étranger. Toujours dans le même sillage, nous avons organisé le 26 Avril dernier les premières assises de la startup. Evènement qui a pu fédérer institutionnels, grandes entreprises et startups autour de 150 personnes pour échanger sur des thématiques actuelles en relation avec le startup Act (gouvernance, financement…).

En 2017, l’activité d’importation-distribution a été impactée par la redevance sur le matériel de sauvegarde. Le secteur a également été fortement touché fin 2018 par l’entrée en application de la Loi sur la conformité du matériel électrique. Avez-vous des pistes de solutions ?

Nous avons en effet proposé que cette redevance soit payée sur la base d’un système déclaratif type BADR et préconisé de mettre en place une grille sans impact majeur sur le consommateur et qui ne crée pas d’opportunité pour le secteur informel qui accapare déjà 30% du marché. En tout cas, l’APEBI a réagi. Nous avons rassemblé les 20 plus importants importateurs et distributeurs de produits IT avec le secrétaire général du ministère de la Culture pour étudier l’impact de l’application de cette redevance sur la profession. Un courrier a ensuite été envoyé aux ministères de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’économie numérique, de l’Economie et des Finances et de la Culture et de la Communication. Nous avons obtenu l’adoption du Décret d’application de la loi le 3 août 2017 et la baisse des barèmes appliqués par l’Administration des Douanes. Actuellement, le dossier du marquage électrique est sur la table des discussions avec la Direction Générale du Commerce. Par exemple, quid de la pertinence d’un marquage propre au Maroc? Quel intérêt d’un marquage marocain alors que les produits obéissent à la norme CE et sont destinés à de nombreux marchés desservis à partir des mêmes usines ? Ajouté à cela le coût de ce processus et la lenteur qu’il va induire, sachant qu’à la base cette Loi devait régir le secteur électrique et celui des jouets ayant enregistré des incidents majeurs et non l’IT. Parmi les mesures demandées à la DGC: un traitement rapide des dossiers avec un délai maximum de 24h et un contrôle allégé pour les opérateurs IT structurés tout en œuvrant pour que l’homologation européenne soit adoptée au Maroc.

 
Article précédent

Exportation des pastèques marocaines : une hausse de près de 300%

Article suivant

French-African foundation : Sanae Lahlou et Kamil Senhaji parmi les young leaders 2019