Interview

Télétravail : Une affaire difficile pour les centres d’appels

Certaines entreprises ont opté pour le télétravail comme solution temporaire afin d’inciter les Marocains à rester chez eux. Ce mode de travail s’avère une affaire difficile à mettre en place pour le secteur de l’offshoring. Hicham Chiguer, directeur Infrastructures et Systèmes d’Information (DISI) à Majorel, nous en parle.

Challenge: Comment se porte votre entreprise en cette période de confinement ?

Hicham Chiguer: Une nouvelle organisation du travail a été adoptée chez Majorel. Nous avons été témoins d’un engagement sans précédent et d’une solidarité exceptionnelle de l’ensemble des métiers pour mettre en œuvre, en un temps record, cette nouvelle organisation. Un plan d’excellence sanitaire a été également mis en place pour gérer cette situation inédite en mettant à contribution toutes les forces vives de Majorel. Ceci nous a permis de rendre possible une mission qui pouvait paraître impossible, il n’y a pas si longtemps : mettre en œuvre le télétravail dans un secteur comme le nôtre.

Quelle est la nouvelle stratégie adoptée afin de poursuivre vos activités? ? 

En ces temps difficiles, la contribution du secteur de la gestion de la relation client à la création de valeur pour notre pays est vitale. Pour réussir ce pari, une batterie de mesures sanitaires, de prévention et de sensibilisation, ont été mises en place en un temps record, en parallèle à la mise en œuvre du télétravail. Nous avons dû assurer une mobilisation sans précédent de tous les moyens humains, technologiques et matériels dont nous disposons car le déploiement du télétravail nécessite une mise en place des conditions de sécurité des données.

Chez Majorel, un projet pilote de télétravail avait été testé, validé et lancé officiellement au 4è trimestre 2019. Et la digitalisation de nos workflows nous a permis d’éliminer les parapheurs de tous les process internes. La compliance RGPD, la certification ISO 27001 et PCI-DSS nous ont permis de déployer avec efficacité et sérénité notre « plan de continuité d’activité » pour cette pandémie COVID-19.

Nous avons aussi toujours investi massivement dans la sécurité des systèmes d’information. Comme vous pouvez l’imaginer, une fuite de données ou une cyberattaque peut s’avérer critiques voire fatale pour notre business. Nous restons donc particulièrement vigilants pour pouvoir parer à toute menace, et notre SOC (Security Operation Center) est en niveau alerte maximale pour pouvoir les détecter en temps réel.

Quelles sont les contraintes auxquelles vous faites face pour mettre en place ce dispositif ?     

Cette situation que nous vivons nous a imposé, à l’image de beaucoup d’entreprises, une transformation drastique et rapide. La Direction des Systèmes d’Information (DSI) s’est mobilisée afin de mettre en place progressivement mais très activement le dispositif de télétravail pour nos télé-conseillers. Pour un public non initié, une mise en télétravail peut paraître simple, se limitant à la mise à disposition d’un ordinateur et d’une connexion à internet. Or, dans notre secteur d’activité, qui se caractérise par des effectifs importants d’un côté, et la gestion d’informations et de données sensibles de l’autre, cela représente un exploit.

Lancer le déploiement du télétravail en si peu de temps a été une véritable opération commando. Une équipe de choc s’y est attelée et a travaillé sans relâche. Pour être encore plus précis dans les tâches nécessaires à l’installation d’un poste en télétravail, il nous a fallu acheter et équiper le collaborateur en équipement informatique et internet (PC, box 4G internet, casques) ; renforcer la sécurité des PC à travers le chiffrement du flux des données, tout en maintenant le bon fonctionnement des solutions mises en place tels que l’Antivirus, Firewall,… adaptés au travail à distance ; maintenir le verrouillage physique et logique du PC (pas d’accès aux connecteurs USB, maintenir les mêmes privilèges d’accès qu’à l’intérieur de l’entreprise) ; mettre en place un réseau privé virtuel (VPN) pour se connecter aux systèmes d’information de l’entreprise ou des clients donneurs d’ordre ; veiller aux mises à jour automatiques de la sécurité pour éviter toute intrusion ; superviser tous les flux externes et en relation avec le télétravail moyennant une solution qui gère les événements de la sécurité en temps réel (SIEM), un outil de cyberdéfense utilisant du machine learning, et un outil de supervision de toutes les ressources du système d’information ; produire les modes opératoires pour le bon fonctionnement des activités.

Toutes ces étapes ont été assurées en interne par les équipes de la direction des systèmes d’information. Il ne faut pas oublier le rôle de sensibilisation et de contrôle préventif et correctif de la direction Qualité, Sécurité, Conformité. Voici quelques-unes des actions que l’on peut citer :

  • Contrôler les configurations techniques liées à chaque Activité/Client.
  • Effectuer des tests d’intrusion (Pentests) pour mesurer le niveau de maturité.
  • Informer et sensibiliser les collaborateurs sur les risques et les cyber-menaces.
  • Produire les guidelines internes encadrant les conditions d’usage informatique en télétravail, etc.

Il y a eu aussi la mise à jour des contrats de travail des collaborateurs en télétravail menée par les équipes Ressources humaines qui nous ont accompagnés sans relâche pendant cette période. S’ajoute à cela tout un travail de proximité pour informer, sensibiliser, rassurer nos collaborateurs, leur donner de la visibilité, etc.

Nous avons rencontré de nombreuses difficultés suite à cette transformation opérationnelle, mais nous avons pu les surmonter grâce à la mobilisation des équipes techniques et à la collaboration de l’ensemble des équipes des autres métiers, sans oublier le rôle essentiel des opérateurs télécoms qui ont fait preuve d’un grand professionnalisme et réactivité, en assurant un volume important de box internet livrées pour nos télétravailleurs dans les délais requis.

Quel impact cet épisode de Covid-19 pourra-t-elle avoir sur le mode de travail des entreprises ?

Une chose est sûre, il y aura un avant et un après COVID-19. Je pense que les entreprises qui survivront à cette rude épreuve humaine en sortiront grandies. Cette expérience que nous vivons à l’échelle planétaire est en train de remodeler les business models dans le monde entier, les entreprises seront amenées de force à repenser leurs dispositifs de gouvernance de façon drastique et irréversible. Un bon nombre des mesures d’urgence dont nous sommes actuellement témoins s’intégreront à notre mode de vie après COVID-19, aussi invraisemblable que cela puisse être.

Quelles sont les principales décisions prises par le Groupe Majorel sous le confinement ?

Chez Majorel, notre priorité absolue a été de pérenniser la santé de nos employés et la sécurité de leurs emplois. Sur le plan sanitaire, la direction Facilities en coordination avec la Direction du Capital Humaine, a mis en place toutes les mesures préventives dictées par le ministère de la santé et recommandées par l’OMS, comme la distanciation des positions de travail, la généralisation du transport du personnel, la généralisation du transport et la réduction de l’occupation des navettes de transport de 50%, la mise à disposition des solutions hydro-alcooliques dans tous les plateaux, la fermeture des espaces de restauration et détente, l’interdiction des réunions physiques, la mise en place des caméras et pistolets thermiques à l’entrée de chaque site, etc.

Nous avons également privilégié le télétravail lorsque cela était possible, et massivement investi en matériel adéquat. Aujourd’hui, nous avons dépassé notre objectif en taux de télétravail. Je pense pouvoir dire que nous avons fait le nécessaire pour accompagner nos collègues dans cette transition en leur offrant les outils dont ils ont besoin pour travailler sereinement, tout en préservant la sécurité de nos systèmes pour rassurer nos clients sur la pérennité de notre qualité de service et sur la confidentialité des données que nous gérons.

 
Article précédent

Coronavirus : le Fonds spécial collecte plus de 18 milliards de DH

Article suivant

Jamal Boumiloud : « Les entreprises redémarrent tout doucement le processus de recrutement »